J.-F. Jenny Clark – « portrait of jenny »
Peu parlant, timide au premier abord, disant quelques mots de temps à autre d’une voix égale et douce, Jean-François Jenny-Clark est né à Toulouse le 12 juillet 1944. D’origine américaine comme son nom l’indique clairement, il joue de la contrebasse en autodidacte pendant près de quatre ans, mais suit depuis deux ans des cours de contrebasse classique au Conservatoire de Versailles, car il ressent toujours le besoin d’apprendre, de perfectionner son jeu afin d’acquérir ce minimum de technique nécessaire pour jouer ce que l’on ressent. S’il aime faire le moins possible de choses inutiles, il n’en travaille pas moins très sérieusement son instrument, et est parvenu déjà (il ne veut pas le reconnaître, par modestie) à un stade de maturité suffisant pour trouver une bonne place dans la nouvelle formation de Bernard Vitet (Vitet, Jeanneau, Tusques, J.-F. Jenny Clark, Bernard Guérin, Aldo Romano) qu’il juge comme sa formation idéale en France pour l’instant. Il est vrai qu’il trouve peu de musiciens vraiment intéressants en France, mais ne craint pas de s’attirer leur rancoeur en le disant. Sa façon de jouer, tout comme ses affinités le poussent à apprécier les bassistes les plus avancés : Charlie Haden, Reggie Workman, Scott LaFaro, Richard Davis, Paul Chambers, Charlie Mingus (quoiqu’il fasse une restriction : il apprécie davantage le chef d’orchestre que l’instrumentiste). Du reste, ce seront ces mêmes goûts que nous retrouverons chez François Tusques, et chez pratiquement tous les jeunes musiciens : ils refusent de rester à l’arrière du courant évolutif du jazz, leurs goûts concordent en pratiquement tous les domaines artistiques. S’il cite Beckett, Céline, Diderot (égaré ici), il pourrait en citer d’autres : « ce sont les mêmes que cite Tusques, ou presque… » Il lit beaucoup, connaît plus mal en revanche le cinéma, mais avoue apprécier par dessus tout « Les Abysses » de Nico Papatakis, Alain Resnais ; il va de temps à autre, trop rarement, au théâtre voir Beckett, Brecht, Ionesco (il a beaucoup apprécié le spectacle de la Huchette), admire volontiers Mirô et Salvador Dali. La musique classique le retient, mais dans des domaines assez particuliers, les musiques très anciennes par exemple, Bach, Mozart, Debussy, Ravel, les plus contemporaines aussi : Berg, Webern, Schoenberg, Messiaen, d’autres auxquels il ne songe pas. Il a une grande qualité, qui ne nuit pas à l’équilibre de son jeu, c’est de savoir s’adapter aux caractéristiques des musiciens qu’il accompagne, mais avoue quand même que la contrebasse lui pose des problèmes. Il est néanmoins fort apprécié par ses confrères musiciens, a déjà accompagné lors de leur venue en France Jackie McLean, Kenny Drew, Bud Powell, Johnny Griffin. Enfin, il est le seul bassiste au monde, paraît-il, à jouer des « harmoniques artificielles » (ce n’est pas lui qui le dit…). Un dernier détail : il ne lit pas les journaux de jazz, n’y trouvant pas suffisamment d’intérêt, et déplorant que les critiques n’aient pas de compétences particulières pour juger de la valeur d’un musicien.
J.P. Leloir & D. Lémery